GTA : quelles données restituer au collaborateur et comment ?

09 novembre2023

Les logiciels de gestion des temps et des activités peuvent restituer de nombreuses informations aux collaborateurs sur leurs compteurs de temps, leurs soldes de congé, leurs plannings ou leurs jours de télétravail. Les objectifs sont souvent les mêmes : éviter des sollicitations auprès du service RH, améliorer la transparence, faciliter l’accès aux données individuelles. Mais le mieux peut parfois être l’ennemi du bien.

L’avis de Christine Roubaud, Directrice du pôle expertise d’Horoquartz.

Christine, pour un salarié ou un manager, j’imagine que pouvoir consulter librement ses informations de GTA depuis un écran ou un smartphone, c’est un véritable plus ?

« Bien sûr et c’est un formidable outil qui simplifie la vie de tout le monde. C’est bien pour cela que cette possibilité est quasiment toujours demandée dans les cahiers des charges. Précisons tout d’abord que ceci ne date pas d’hier et il y a 20 ou 30 ans, les salariés pouvaient déjà consulter leur débit-crédit, leur cumul de la semaine ou leur solde de congés directement sur les badgeuses. Les modules self-service de la GTA, sur le web ou sur smartphone, ont encore facilité la mise à disposition des données, en particulier vers de nouveaux publics qui n’y avaient pas toujours accès, les itinérants ou les cadres par exemple.»

Et pourtant, vous dites qu’il y a des précautions à prendre ?

« Oui car il est facile de tomber dans certains travers et avec les meilleures intentions du monde. Les services RH peuvent ainsi être tentés de rendre accessibles à tous de nombreuses données via le self-service de la GTA: des historiques d’absences ou de demandes, des compteurs divers, des soldes de tout genre, des plannings etc… Cela permet de répondre à une attente des collaborateurs et d’autre part, cela réduit à priori le nombre de sollicitations auprès du service RH. »

Et quel problème cela pose-t-il ?

« Le premier est la complexité que l’on peut amener dans les fonctions les plus quotidiennes de la solution de GTA. On oublie parfois qu’un salarié peut facilement effectuer 1000 badgeages par an sur un module web ou sur son smartphone et qu’il peut très bien faire des dizaines voire des centaines de déclarations de présence à l’année. La saisie des journées de télétravail peut aussi vite devenir répétitive. Il faut ici des fonctions simples, avec des écrans rapides et dépouillés où l’attention n’est pas perturbée par trop d’informations qui viennent s’afficher en même temps, peuvent ralentir l’opération et créer des interrogations chez l’utilisateur.

Prenons l’exemple du badgeage, dans 95% des cas, le salarié veut juste badger et le plus vite possible sans se poser de questions ! Le plus judicieux est d’afficher en automatique ce qui est vraiment nécessaire lors de ce geste répétitif, par exemple un compteur de Débit-Crédit ou un cumul de la semaine. Pour les autres compteurs et en particulier les cumuls périodiques, on peut très bien les mettre à disposition mais à partir d’une interrogation à la demande au lieu d’un affichage systématique. De la même façon, quand je pose un congé payé ou une délégation, est-il nécessaire d’afficher par défaut les 10 dernières demandes que j’ai effectuées ? On peut très bien dissocier les deux actions. On se rend  compte que trop d’informations au même moment peut in fine compliquer la vie de l’utilisateur au lieu de la simplifier..

Le plus souvent pour améliorer l’expérience utilisateur de la GTA, il faut limiter les affichages au strict nécessaire et avoir des fonctions de consultation dédiées pour le reste, même si cela peut sembler contre-intuitif parfois ».

D’autres effets de bord possibles ?

« Le deuxième aspect sur lequel il faut être vigilant est la compréhension par les collaborateurs des données affichées par le logiciel de GTA. Prenons l’exemple des congés où on nous demande régulièrement d’afficher le droit, le consommé, le solde réel et le solde prévisionnel des années N, N-1 voire N-2 et pour des périodes calées du 1er Juin au 31 mai. En dessous, pour compliquer encore un peu plus les choses, on aura assez souvent les congés d’ancienneté. Ceci est compréhensible pour un spécialiste de la paie. Mais comment l’utilisateur lambda non RH peut-il s’y retrouver dans une telle complexité ? En fait, le plus souvent sa seule question est de savoir s’il lui reste suffisamment de jours pour poser une semaine à Noël. Pourquoi lui afficher 20 compteurs qui n’ont d’intérêt que dans une logique de paie ? C’est donc un travail essentiel pour le consultant de simplifier l’affichage des données autant que faire se peut pour rendre transparent le « back-office » de la GTA. Il faut avant tout penser opérationnel, se mettre à la place de l’utilisateur et sortir d’une vision des choses tirée par la logique de la paie, car là on tombe vite dans la complexité ».

Et l’incompréhension des données affichées peut avoir quelles conséquences ?

« Cela peut être de la confusion mais cela peut aussi être de la défiance si je ne comprends pas ce qui est affiché. On peut aussi générer beaucoup de questions de la part des collaborateurs et mettre en difficulté les managers qui ne sont pas toujours armés pour y répondre. »

3 bonnes pratiques en synthèse…

«  Fournir les données de GTA nécessaires au bon moment, c’est-à-dire quand l’utilisateur en a besoin plutôt qu’un affichage systématique.

Présenter les données de GTA au collaborateur sous un angle opérationnel, en masquant le plus possible la complexité héritée de la paie.

Faire un effort sur la pédagogie, les explications auprès des collaborateurs et des managers pour s’assurer qu’ils interprètent correctement les données de GTA auxquelles ils ont accès ».

Interview réalisée par Thierry Bobineau