L’ACTUALITÉ JURIDIQUE SUR LES TEMPS DE TRAVAIL ET LA JURISPRUDENCE RÉCENTE – SYNTHÈSE
07 mars2023
Maître ROCHE, avocate associée au sein du cabinet Edgar Avocats, est intervenue lors d’un Webinar organisé par Horoquartz le 20 janvier dernier pour nous présenter une synthèse de l’actualité jurisprudentielle en matière de temps de travail sur l’année 2022.
Pour les 220 personnes ayant participé à cet évènement, Maître Roche a passé en revue les arrêts à retenir en matière de durée de travail, d’heures supplémentaires, de forfait jours, d’astreintes, de temps de trajets, de congés payés.
Retour sur ce webinar très riche avec un focus sur trois thèmes.
1. Les arrêts relatifs à la durée maximale du temps de travail
La Cour de cassation a rendu deux arrêts sur la répartition de la charge de la preuve :
- Ce n’est pas au salarié de prouver qu’il n’a pas bénéficié de son temps de repos quotidien mais à l’employeur de prouver qu’il a bien respecté les seuils et plafonds prévus par la législation, peu importe que le salarié soit en télétravail 3 jours par semaine et ait une certaine souplesse dans l’organisation de son temps de travail – Cass. Soc 14 décembre 2022.
- Le salarié peut prétendre au versement de dommages et intérêts pour violation de la durée maximale de travail hebdomadaire, sans avoir besoin de rapporter la preuve d’un préjudice – Cass. Soc, 26 janvier 2022.
2. Les arrêts relatifs aux heures supplémentaires
Aux termes de plusieurs arrêts, la Cour de cassation a validé ce qui constitue des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre à une demande de rappel de salaire en paiement d’heures supplémentaires :
- Le décompte mentionnant la durée quotidienne des journées de travail et les temps de transport pour se rendre aux lieux de missions et à son domicile + les justificatifs de transports + un récapitulatif sous forme de tableaux (Peu important que le salarié ne déduisait pas ses temps de trajet habituels pour se rendre à son travail, ne fournissait aucun élément sur ses heures d’arrivée et de départ sur les lieux de mission indiqués ou encore sur ses temps de pause) – Cass. Soc 1er juin 2022.
- Des relevés quotidiens de ses heures de travail + des agendas + des notes de frais + des tableaux récapitulatifs + plusieurs attestations de collègues (Peu important que ses tableaux soient établis en fonction d’une amplitude théorique de travail, que les indications horaires rédigées sur son agenda soient lacunaires, imprécises et impossibles à contrôler et que les attestations ne soient pas précises) – Cass. Soc 21 septembre 2022.
- Des courriels envoyés tôt le matin et tard le soir + des attestations + un tableau récapitulatif – Cass. Soc 28 septembre 2022.
Un arrêt rendu le 23 novembre 2022 par la Cour de Cassation revêt un caractère très important en matière d’heures supplémentaires associées aux trajets effectués par un salarié itinérant depuis son domicile pour aller à son premier rendez-vous et pour rentrer à son domicile après son dernier rendez-vous.
Les faits étaient les suivants : un agent commercial effectuant de fréquents déplacement en clientèle a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison notamment du non-paiement des heures supplémentaires accomplies pendant ses déplacements. La Cour d’appel a qualifié les temps de déplacements professionnels accomplis par le salarié de temps de travail effectif et a fait droit à sa demande de résiliation judiciaire.
L’employeur s’est pourvu en cassation mais la Cour a rejeté ce pourvoi au motif que le salarié ne pouvait pas, durant les trajets entre son domicile et les sites des premiers et derniers clients, vaquer librement à ses occupations (il devait notamment prendre tous les appels entrants pour fixer des rendez-vous ou échanger avec des clients). Il s’agissait donc bien d’un temps de travail effectif.
3. Les arrêts relatifs aux forfaits et aménagements du temps de travail sur l’année
Le contentieux relatif aux conventions de forfait jours ne faiblit pas. Un arrêt le 9 février 2022 portait sur la contestation de la validité d’une convention de forfait annuel en jours. La Cour de cassation a considéré que l’accord d’entreprise respectait les exigences relatives au droit à la santé et au repos, en prévoyant :
- L’établissement par le salarié d’un décompte mensuel de ses jours travaillés / non travaillés et des éventuels congés payés pris, transmis pour validation à la direction des ressources humaines,
- Une réunion annuelle entre le salarié et un représentant de la direction ou son responsable hiérarchique pour faire le point sur l’organisation du travail et la charge de travail qui en résulte donnant lieu à un compte-rendu cosigné,
- La possibilité pour le salarié d’alerter sa hiérarchie et la direction des ressources humaines d’une surcharge de travail, lesquelles doivent prendre les mesures adéquates dans un délai d’un mois maximum.
En revanche, en ce qui concerne le suivi effectif de la charge et de l’organisation du travail, la salariée n’avait pas bénéficié tous les ans de l’entretien annuel prévu par l’accord. Cassation au motif que les juges auraient dû considérer que la convention de forfait était privée d’effet.
S’agissant de la compensation du rachat de jours de repos non pris : un salarié, ayant renoncé à une partie de ses jours de repos initialement prévus dans sa convention de forfait en jours, a bénéficié de jours supplémentaires de travail payés par l’employeur. Pour rappel, la renonciation à des jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire nécessite un accord écrit préalable entre le salarié et l’employeur, dans le respect du minimum légal de 10%. En l’absence d’accord, c’est le juge qui fixe le montant de la majoration applicable au salaire et il doit fixer cette majoration à un taux au moins égal à 10 % – Cass. Soc., 26 janvier 2022
En matière de contrôle de la charge de travail du salarié au forfait, la Cour de Cassation est venue préciser l’obligation de sécurité pesant sur l’employeur par un arrêt du 2 mars 2022.
Les faits étaient les suivants : Un salarié avait alerté son employeur sur la dégradation de son état de santé à partir de juin 2013 et l’employeur avait réagi (en saisissant le médecin du travail) en août 2013. La Cour d’appel avait considéré que ce faisant, l’employeur avait respecté son obligation de sécurité.
Cette décision a été cassée par la Cour de cassation au motif que l’employeur ne justifiait pas avoir pris les dispositions nécessaires de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition dans le temps du travail. Par conséquent, le manquement à l’obligation de sécurité était caractérisé et les juges auraient dû rechercher si un préjudice en était résulté.
Maître Aurélie Roche,
Associée du cabinet Edgar Avocats, j’assiste, en droit du travail et en compliance, de grandes entreprises et des PME dans un très large éventail de secteurs, avec un accent sur la santé, les sciences de la vie et le BTP.
Je conseille mes clients sur des questions d’exécution du contrat de travail.