Badgeuse en entreprise : quelles sont les obligations des employeurs et des salariés ?

13 février2023

eTSmile

Il est possible, pour décompter et contrôler le temps de travail des salariés[2], de recourir à un système de badgeage en entreprise (qui peut également être utilisé en respectant certaines dispositions pour contrôler les accès).Préalablement à la mise en place d’un système de badgeage, l’employeur devra informer et consulter les représentants du personnel en place (Comité social et économique et la Commission santé, sécurité et des conditions de travail si elle existe).

Quelles sont les obligations de l’employeur pour installer une badgeuse en entreprise ?

Avant d’installer une badgeuse en entreprise, les employeurs se doivent de respecter des règles bien strictes. 

Le devoir d’information du salarié

La note d’information pourra reprendre les informations que l’employeur se doit, s’agissant d’un traitement de données à caractère personnel soumis au RGPD[3], de remettre à chaque employé et chaque travailleur intérimaire[4] :

  • les finalités poursuivies[5],
  • la base légale du dispositif,
  • les destinataires des données issues du dispositif,
  • la durée de conservation des données[6],
  • son droit d’opposition pour motif légitime,
  • ses droits d’accès et de rectification,
  • la possibilité d’introduire une réclamation auprès de la CNIL.

Dans le cadre de son pouvoir de direction, l’employeur déterminera unilatéralement le nombre de badgeuses dans l’entreprise, leur localisation et leur paramétrage.

Pointage en entreprise : quelques points de vigilance

Parmi les points de vigilance, il est impératif de ne pas mettre en place d’écrêtement des heures badgées après les horaires collectifs applicables, dans la mesure où cela reviendrait à faire disparaitre de potentielles heures de travail.

A cet égard, soulignons que l’employeur qui établit de faux pointages et les utilise pour dissimuler des heures de travail se rend coupable des délits de faux et usage de faux et du délit de travail dissimulé pour avoir dissimulé des heures supplémentaires en minorant leur nombre sur les bulletins de paie et sur les relevés de pointage[7] et peut donc être sanctionné cumulativement pour ces trois infractions.

Badgeuse : peut-on utiliser une photographie ?

Notons également que la CNIL a déclaré que les dispositifs de contrôle des horaires de travail intégrant une prise de photographie systématique à chaque pointage sont excessifs (Communiqué Cnil du 27 août 2020).

Pour autant, un badge peut bien entendu comporter la photographie d’identité du salarié pour permettre la vérification de son identité. C’est pourquoi le refus du salarié de fournir une telle photographie pour la confection d’un badge exigé par le client de son employeur pour pénétrer dans ses locaux alors que cette contrainte est justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché, justifie le licenciement dudit salarié[8].

Quelles sont les obligations d’un salarié en matière de badgeuse ?

Lorsque des entreprises mettent en place des badgeuses au sein de leur établissement, les salariés doivent respecter certaines obligations.

Que peut engendrer un refus de pointer ?

Lorsque toutes les formalités substantielles ont été respectées, le refus de pointer est fautif [9]. Il a ainsi été jugé qu’est justifié le licenciement d’un salarié refusant d’observer le règlement intérieur faisant obligation au personnel intervenant sur les chantiers de porter un badge ou une carte d’accès fourni(e) par l’entreprise [10].

En cas de non respect des règles imposées ?

De même, commet un manquement justifiant son licenciement pour faute grave le salarié qui use de ses fonctions pour entrer des données inexactes dans le système de gestion des pointages du personnel et majorer au profit d’un autre salarié, le nombre d’heures de travail effectivement réalisé par celui-ci pour le compte de la société et permettre ainsi le paiement d’heures non travaillées [11]. Il en est de même du salarié qui pointe à la place d’un collègue absent pour masquer son absence ou son arrivée tardive [12].

À l’inverse, en cas de non-conformité aux règles précitées, toute éventuelle sanction – y compris un licenciement – qui serait fondée sur les informations collectées par la badgeuse serait privée de facto de légitimité. De même, dans un tel contexte, le refus du salarié de se conformer à l’obligation de badger ne pourrait pas non plus être sanctionné.

Le système de badgeage est un dispositif utile pour un suivi efficient du temps de travail. Sa mise en place requiert, au préalable, une réflexion pour l’inclure dans l’organisation du travail et une information formelle et complète des salariés et de leurs représentants.

Trois articles pour aller plus loin :


 

Maître Aurélie Roche,

Associée du cabinet Edgar Avocats, j’assiste, en droit du travail et en compliance, de grandes entreprises et des PME dans un très large éventail de secteurs, avec un accent sur la santé, les sciences de la vie et le BTP.
Je conseille mes clients sur des questions d’exécution du contrat de travail.

 

[1] Le présent billet reprend et actualise le billet sur l’utilisation d’une badgeuse publié en 2018 Localisation et nombre de badgeuses – Horoquartz

[2] Il n’est ici envisagé la badgeuse qu’en tant qu’outil de contrôle du temps de travail en heures. A noter qu’il est aussi possible de l’utiliser pour le suivi de l’organisation du temps de travail des salariés en forfait jours.

[3] Règlement européen n° 2016/679 du 27 avr. 2016 dit « RGPD » et la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 relative à la protection des données personnelles.

[4] Cf. articles L. 1222-4 du code du travail et L. 1251-21 du code du travail 

[5] La finalité déclarée détermine l’usage pouvant être fait des données collectées Cf. Cass. soc. 3 mai 2016 n° 14-23.150

[6] Les données utilisées pour le suivi du temps de travail, y compris les données relatives aux motifs des absences, sont conservées pendant un maximum de 5 ans (Délibération Cnil 2015-165 du 4-6-2015, art. 5 : JO 17 ; Fiche pratique Cnil 20-11-2015. Compte tenu de la prescription triennale applicable aux rappels de salaire, il est possible de limiter la conservation des données à 3 ans.

[7] Cf. Cass. crim. 15 février 2022 n° 21-81.966

[8] Cf. CA Versailles 12 février 2002 n° 00-421

[9] Cf. Cass. soc. 5-4-1978 n° 77-40.094 ; Cass. soc. 22-7-1982 n° 80-41.012

[10] Cf. CA Paris 9 octobre 2003 n° 01-37023

[11] Cf. Cass. soc. 16 mai 2013 n° 12-15.582

[12] Cf. Conseil d’Etat 22 octobre 2008 n° 301603

[13] Cf. Cass. soc. 8 oct. 2014, n° 13-14.991